Le jîvâtman, l’étincelle de l’âme et l’être psychique sont trois formes différentes d’une même réalité et il ne faut pas les confondre, car cela brouille la clarté de l’expérience intérieure.
Le jîvâtman ou esprit existe en soi au-dessus de l’être manifesté ou instrumental, il est au-delà de la naissance et de la mort, toujours le même, c’est le Moi individuel ou Âtman, l’être vrai éternel de l’individu.
L’âme est une étincelle du Divin au cœur des créatures vivantes de la Nature. Elle ne se tient pas au-dessus de l’être manifesté; elle descend dans la manifestation du moi, consent à participer à son devenir phénoménal dans la nature, soutient son évolution dans le monde de la Nature matérielle. Elle porte tout d’abord en elle un pouvoir indifférencié de la, Conscience divine qui contient toutes les possibilités encore sans formes, mais auxquelles l’évolution a pour fonction de donner une forme. Cette étincelle de la Divinité est présente dans tous les êtres vivants sur terre, depuis les créatures terrestres les plus élevées jusqu’aux plus basses.
L’être psychique est une personnalité spirituelle formée par l’âme au cours de son évolution; son développement indique le stade atteint par l’individu dans son évolution spirituelle et ses possibilités immédiates pour l’avenir. Il se tient derrière la nature mentale, vitale et physique, croît par leurs expériences, porte la conscience de vie en vie. C’est la personne psychique, chaïtya pourousha. Il est d’abord voilé par les parties mentales, vitales et physiques, limité dans son exp
ression par leurs limitations, lié aux réactions de la Nature mais, au fur et à mesure de sa croissance, il devient capable de venir en avant et de dominer le mental, la vie et le corps. Chez l’homme ordinaire, il dépend encore d’eux pour s’exprimer et il ne peut s’en saisir ni les utiliser librement. La vie de l’être est animale et humaine, et non divine. Lorsque l’être psychique, par la sâdhanâ, peut prédominer et utiliser librement ses instruments, l’élan vers le Divin devient alors complet et ce n’est pas seulement la libération, mais la transformation du mental, du vital et du corps qui devient possible.
Le Moi ou Âtman étant libre et au-delà de la naissance et de la mort, l’expérience du jîvâtman et de son unité avec le Moi suprême ou universel suffit à apporter le sentiment de la libération; mais la pleine conscience et l’éveil complet de l’être psychique sont également indispensables pour la transformation de la vie et de la nature.
À ce stade l’être psychique réalise son unité avec l’être vrai, le Moi, mais il ne se fond pas, il ne se transforme pas non plus en lui; il subsiste comme un instrument de son exp
ression psychique et spirituelle, une divine manifestation dans la Nature.
Le bindou (point, tache) que vous avez vu au-dessus peut être une manière symbolique de voir le jîvâtman,’ le moi individuel, comme une goutte d’eau de la mer, une parcelle individuelle du Divin universel; à ce niveau, c’est à l’ouverture de la conscience plus haute qu’on aspire naturellement, afin que l’être puisse demeurer sur ce plan et non plus dans l’Ignorance. Le jîvâtman, en réalité, est déjà un avec le Divin, mais spirituellement il peut exiger que le reste de la conscience réalise aussi cela.
Dans l’être psychique, cette exigence se traduirait alors par une aspiration à ce que la nature inférieure tout entière, le mental, le vital et le corps, s’ouvrent au Divin par une aspiration à l’amour et à l’union avec le Divin, à sa présence et son pouvoir dans le cœur, à la transformation du mental, de la vie et du corps par la descente d’une conscience plus haute dans cette nature et dans cet être qui en sont les instruments.
Ces deux aspirations sont nécessaires à ‘la plénitude de notre yoga: d’en haut l’exigence du moi à l’égard de la nature, d’en bas l’aspiration psychique de la nature. Lorsque le psychique impose son aspiration au mental, au vital et au corps, ils aspirent alors eux aussi et c’est ce que vous avez senti comme une aspiration venant du niveau de l’être inférieur. L’aspiration sentie au-dessus est l’aspiration du jîvâtman à la conscience plus haute, avec la réalisation de l’Un qui doit se manifester dans tout l’être. Les deux aspirations s’aident donc mutuellement et sont nécessaires l’une à l’autre. Mais au début, la quête de l’être inférieur est intermittente et étouffée par l’obscurité et les limitations de la conscience ordinaire.
Par la sâdhanâ, elle doit devenir claire, constante, forte et persistante; elle force alors la réalisation, la rend inévitable. Le sentiment de paix, de pureté et de calme que vous avez eu vient de l’union de la conscience inférieure avec la conscience supérieure ou d’un fort contact entre elles; il ne peut pas être permanent dès le début, mais peut le devenir quand le calme et la paix se font plus fréquents et plus durables et enfin quand la nature inférieure reçoit pleinement la descente de la paix, du calme et du silence éternels de la conscience supérieure.
Lettre sur le Yoga (Sri Aurobindo)
[source : http://www.eveil-fr....e-jivatman.html]